Des pèlerins partout
Comment et avec qui, tel est le sous-titre de ce livre de Chiara Frugoni (1940-2022). 67 illustrations dans un ouvrage de 141 pages (hors notes) évoquent la conception de ce meuble et surtout l’usage qui en est fait pendant cette période. En réalité l’essentiel des documents date du 15ème siècle, complété de références littéraires où le Decameron occupe une grande place. Le sujet déborde vite sur les mœurs de l’époque, les interdits de l’église et les transgressions.
La figure 8, tirée d’un ouvrage conservé à la Bibliothèque Sainte Geneviève à Paris montre un pèlerin méprisant le travail humble d’un nattier. Hier, il n’y avait pas que des saints parmi les marcheurs de l’absolu. Qu’en est – il aujourd’hui ? La nature humaine a-t-elle changé ? Retenons que lorsqu’il n’y avait pas de lit, on dormait sur des nattes.
Un long paragraphe page 83 devrait ôter au pèlerin d’aujourd’hui l’envie de se plaindre :
« A tout moment on risquait de faire une mauvaise rencontre, d’être dévalisé par des brigands, ou de tomber malade à cause du surmenage, de l’épuisement ou d’une infection. Il n’était pas rare d’être confronté à des glissements de terrain ou à des ponts effondrés, au cœur même du maquis, ou du moins d’une végétation dense et peu accessible, les épaisses broussailles étant d’autant plus difficiles à franchir que l’entretien des routes, si assidu au temps de l’Empire romain, faisait désormais défaut. Tous les désagréments dont le cardinal Giacomo Stefaneschi a parfaitement conscience lorsque, pendant l’année du jubilé que le pape Boniface VIII orchestra en 1300, il chante les louanges du bon pèlerin qui ne redoute « ni le jeûne, ni la faim, ni la soif lancinante, ni les monts escarpés, ni les vallées profondes, ni la pluie battante », ne craignant pas non plus d’abandonner ses beaux enfants, son grand palais et ses biens somptueux, ne cédant pas aux pleurs de son épouse esseulée, gloire d’une lignée illustre ; ni les fleuves, ni les rivières, ni les tourments, ni les dépenses, ni la mer, ni l’aubergiste arrogant, ni l’âge avancé, ni le sexe, ni les veillées, ni l’air glacial ne pourront déchirer l’âme du pèlerin si s’ouvre pour lui le royaume des cieux. » Tout cela pour conclure que les aubergistes romains n’hésitaient pas à entasser les pèlerins dans les dortoirs et
jusqu’à 7 ou 8 personnes dans les lits.
Editions Les belles lettres ISBN 978-2-251-45513-6 21 €uros