Récit - Ribadiso do Baixo - Arzua - O Pedrouzo
21 km
Photo J F F
Aujourd'hui je dois passer ce cap le plus doucement possible...
Dès le matin mon portable, que j'ai oublié d'éteindre, sonne. Un sms de Nathalie et Jean Louis.
- On dirait que les affaires reprennent ! ironisent mes compagnes de chemin...
Puis un autre sms, c'est Françoise puis encore un autre, de Mélanie. Jusqu'à une demi-douzaine ! Une avalanche d'Anne, Julie, Léonie et Jean Michel, et Nicolas, et Tyrone ! Ils commencent tous par les mêmes mots...
- Eh bien, tu es très sollicité ! me disent mes compagnes.
- Euh, je reçois des messages de félicitations de la famille et des amis qui savent que nous sommes en train d'arriver !
Menteur... j'évite leur regard, elles ne voient pas que je cache quelque chose ; pour autant, les messages me font vraiment plaisir.
Pour être moins gêné par tous ces appels et pour gêner moins, je me fais solitaire. Séparés par des centaines de mètres de distance, nous passons de chemins creux en espaces dégagés. La campagne, complètement.
Un fantôme de chaton blanc m'arrête. Il est tout maigre et miaule désespérément. Il croit que je pourrais l'adopter, me le demande carrément et trottine à mes talons... sur plus d'un kilomètre. Ca dure si longtemps que je pense que c'est plutôt quinze. J'arrive à lui fausser compagnie, avec un peu de regret...
C'est le troisième jour de marche pour Chantal, elle a mal partout et c'est bien normal. Marie-Claude, elle, a eu la chance de s'entraîner en montagne, elle est en forme. Nous nous retrouvons à la terrasse d'un café où il fait bon traîner au soleil...
Vers treize heures, il est décidé que nous avons assez marché... Nous sommes à Arca, où tout est complet paraît-il. Un hôtelier des environs vient nous chercher en voiture pour nous héberger à Santiso, à 5 km au nord de là. Il nous ramènera demain matin. Je me laisse faire, un peu de confort ne fait pas de mal, surtout aujourd'hui... J'ai même un petit plan...
L'après-midi, balade dans les environs, sans les sacs ; les amies ne se doutent toujours de rien ; j'arrive à me soustraire à leur vigilance et je vais voir les responsables de la cuisine...
Au dîner : Fidao (soupe de fruits de mer avec beaucoup de pâtes et peu de fruits de mer), Merluza (colin, servi avec des légumes qui n'avaient guère quitté leur état naturel) et... le moment venu, petit signe à la gentille serveuse.
Elle apporte une part de Tarta de Jugo (ne me demande pas ce que c'est) avec 2 grosses choses qui brûlent dessus. Vient ensuite... une bouteille de Cava. C'est ce qu'ils appellent là-bas Champagne ! avec un point d'exclamation dans la voix.
La surprise des amies, le "pop !" du bouchon, les coupes levées, les photos, c'est la fête. Passage d'une décade à l'autre. Sexa, enfin ! A défaut d'autre chose.. Grâce à la compagnie joyeuse de Marie-Claude et Chantal, grâce à la petite surprise que je leur fais, grâce au chemin, grâce aux sms, grâce au beau temps, grâce aux bulles que j'avais commandées en cuisine, au partage avec les autres clients du restaurant, cette journée, à part celle de mes 14 ans va savoir pourquoi, est la plus belle journée d'anniversaire de ma vie !
Photo J F F
Voilà, maintenant en faisant quelques recoupements, tu peux connaître ma date de naissance. Chaque année à venir, si tu veux me la rappeler, surtout ne te gêne pas !
Etonnant tout de même, ce cap a failli coïncider exactement avec l'arrivée à Santiago, le fruit d'aucun calcul...
Plus que 16 km avant cette arrivée tant désirée.
Je me demande si demain le seizième kilomètre ne sera pas chargé d'émotion...