Il n’y a pas deux solutions pour aller de Paris à Saint Jacques de Compostelle, il y en a trois. Si Orléans ou Chartres ne t’intéressent pas, tu peux passer par la Bourgogne, Vézelay plus précisément.
C’est aussi un moyen de se rendre en Ombrie, province d’Italie où, au début du XIIIème siècle un certain Francesco refusa l’avenir opulent que lui promettaient sa condition et la société des marchands…
«Avez-vous remarqué que vous êtes ici dans le domaine de Sainte Assise ? D’ailleurs votre prénom a beaucoup de liens avec St François », me dit Martine, l’hôtesse passionnante qui le 2ème soir me reçoit à bras ouverts (non sans s’être renseignée sur mon compte et je la comprends) dans un lieu improbable, un château !
Elle ne peut pas mieux dire. On oublie souvent que la mère de Francesco l’avait d’abord appelé Giovanni, Jean. C’est le père, revenu de France et séduit par notre beau pays, qui a voulu lui changer son prénom. Qui es-tu, poverello ? Jean ou François ?
Pour l’instant je suis en chemin vers Vézelay, l’Italie attendra l’an prochain.
Fruit du hasard ou de la volonté, ce cheminement s’est fait sous le signe de la Nature. Dès le premier soir je dors dans le bungalow d’un paisible parc dédié à la nature. Et les nuits qui suivront ma rencontre avec Martine, je les passe à la belle étoile. Trois fois de suite, je bivouaque, heureux, à la faveur d’un ciel sans nuage. Que ce soit en forêt de Fontainebleau, dans les environs d’un village ou d’une ville, je suis récompensé par le firmament. Ah, se réveiller sans raison et remarquer la bascule des étoiles et de la lune ! Puis se rendormir… C’est l’expérience cosmique que je souhaite à tout le monde.
au carrefour du Chêne Feuillu
Dormir dehors permet de marcher plus librement, plus longtemps parfois. De mieux sentir la terre. Et de découvrir l’inconnu. C’est ainsi que pour la première fois de ma vie je me suis retrouvé nez-à-nez avec un magnifique blaireau tout aussi surpris que moi… Des cerfs jeunes et vieux, un lièvre, une perdrix… le bleu des chicorées, le parfum des chèvrefeuilles, des clématites. Les lavandes jardinées avec soin. La marche donne au coeur une propension à la magie ; nul doute que le François, de là-bas, m’est propice pour l’instant.
Evidemment, le soleil et les heures chaudes rendent le corps poisseux, il faut accepter les changements d’habitude. La chance m’a souri. Elle a la forme d’un café de routiers où c’est normal de prendre sa douche. Inhabituel, cet autre gérant de restaurant qui me propose le lavabo de ses toilettes pour que je me lave les pieds…
J’avais pensé qu’en remontant les cours de la Seine, de l’Yonne et de la Cure, l’eau serait mon fil conducteur. C’est vrai, mais pas à la manière dont je l’avais imaginé.
Pendant un jour et demi on suit l’aqueduc de la Vanne tantôt souterrain tantôt visible lorsqu’il doit traverser les vallons. Un ouvrage d’art de 156 km digne des romains. Grâce à lui le Paris de la Rive Gauche peut faire sa toilette, et boire.
l'aqueduc en attendant la Toscane
Il arrive qu’on longe le canal du Nivernais avec son cortège d’écluses. Les bateaux sont rares, mais chaque écluse a son éclusier(e), embauché pour l’été. Ce sont eux qui doivent tourner les manivelles pendant qu’à bord les touristes se plaignent que ça ne va pas assez vite...
Des rencontres ? Oui, avec les gens du pays, tous sympas et tellement férus d’art culinaire ! Je me suis plu à observer la flamme dans leur œil chaque fois que je les complimentais sur leur gastronomie généreuse. Ils sont intarissables sur la façon de mettre les escargots dans la gougère, de préparer la sauce chablisienne, de soigner les abeilles...
l'Allée Royale tracée pour Louis XV
le curé du château et le curé du village par Marius Michel
Et comme toujours, le cocasse du chemin et ses surprises. Entre autres : une Allée Royale plantée de séquoias, une statue géante en forêt, de drôles de curés à l’auberge Ganne de Barbizon, des garages à bateaux en plein champ, un pèlerin qui « casse » ses chaussures avant son prochain départ et vérifie la légèreté de mon sac, un sympathique détenteur de compostela, tout frais, qui a fait le chemin autrement, des cadeaux dans un camping, Auxerre, jolie ville d’opérette colorée aux statues élancées, des ouvriers roumains en ribambelle qui m’envoient au supermarché et que je n’écoute pas, les dernières cerises à Cravant et des groupes de scouts en vadrouille. Il est vrai que l’été est la saison des camps et des équipées. Les premiers semblaient arriver d’une autre planète. Sur cette route poussiéreuse, en chantant, des scouts… marins ! Ils se sont prêtés à la photo de groupe.
La récompense tombe chaque jour et la dernière, c’est l’arrivée à la colline éternelle, jamais décevante. La basilique et ses rituels, la vie du village, le panorama, les musées, les retrouvailles inattendues et les rencontres à haut niveau.
du dortoir du gîte pèlerin
Il aura bien commencé, mon chemin d’Assise !
Infos pratiques : 253 kilomètres, 9 à 10 jours en fonction des conditions physiques. Départ de la tour St Jacques à Paris ou de chez soi. Balisage et descriptifs rassurants, hébergements en grand nombre.
Louange-poème par François d’Assise
Loué sois-tu, mon Seigneur, avec toutes tes créatures,
spécialement, monsieur frère Soleil,
lequel est le jour et par lui tu nous illumines.
Et il est beau et rayonnant avec grande splendeur,
de toi, Très-Haut, il porte la signification.
Loué sois-tu, mon Seigneur, par sœur Lune et les étoiles,
dans le ciel tu les as formées claires, précieuses et belles.
Loué sois-tu, mon Seigneur, par frère Vent
et par l’air et le nuage et le ciel serein et tout temps,
par lesquels à tes créatures tu donnes soutien.
Loué sois-tu, mon Seigneur, par sœur Eau,
laquelle est très utile et humble et précieuse et chaste…