Récit Sahagùn – Calzadilla de los Hermanillos
13 km
L'oasis de la fontaine Photo J F F
- Como la piel de la cara ? (comme la peau du visage ?)
Ana, la coiffeuse, a peur de mal me comprendre et se touche le visage pour m'avertir. Oui, oui, je confirme, c'est bien à zéro que je veux la boule.
En cinq minutes, c'est chose faite. Après les salutations et les remerciements d'usage, je me retrouve avec la sensation nouvelle d'une tête nue, dans les rues de Sahagùn. Pourquoi ? C'est comme ça. En réalité, ce n'est pas un caprice ou une fantaisie. Je veux me donner à nouveau un signe. Si le cheminement est un moyen de se changer, si je peux le terminer et devenir un homme nouveau, autant y mettre les moyens. Comme par l'esprit, par le corps. Marcher longtemps, mais aussi se raser complètement. Comme un vœu, si tu veux !
La nuit en train-couchette s'était passée en un rien de temps. Le tortillard d'Irun à Sahagùn, au contraire, m'avait paru interminable, à remonter péniblement les vallées vers les plateaux dans un temps maussade. A l'arrivée, les nuages étaient partis. Les conditions sont idéales : ciel d'azur, vent léger.
Le pèlerin a le choix entre le Camino Real, continuation de la Via Regia, et la Chaussée Romaine, plus au nord. J'ai envie de voir la Fontaine du Pèlerin, et, demain, le torrent qu'il faut passer à gué. Il y a quelques années une pèlerine y a vécu un moment extraordinaire en compagnie d'un pèlerin qui risquait la noyade s'il ne faisait pas attention.
La fontaine de l'oasis Photo J F F
J'opte donc pour la Voie antique. A peine plus de relief qu'avant. La campagne est ... rase aussi ! On a beau être en plein été, les fleurs ne manquent pas au bord du chemin : la chicorée aux étoiles bleu clair, les liserons, petits, à ras de terre, et les berces avec leurs ombelles blanches.
Au refuge de Calzadilla, il n'y a personne à l'accueil. Seul un Homme du Sud-Ouest de la France prend des notes.
- Vous vous installez où vous voulez, me conseille-t-il.
Dîner au restaurant d'en face, avec lui et Elisabeth, une jolie fille d'Albuquerque, au Nouveau-Mexique.
- Et toi, me demande-t-elle, pourquoi fais-tu le chemin ?
On voit qu'Elisabeth n'en est qu'à ses débuts. Il y a trois ans je posais la même question. A éviter. En tout cas de cette façon. Le risque est trop grand de déchirer un voile sur des histoires terribles de souffrances, de maladies, de morts. Elle a de la chance, ce n'est pas le cas pour moi , quoique...
L'Homme du Sud-Ouest, lui, a eu une bonne idée. Il a emporté des dizaines et des dizaines de sentences de sagesse. Il en lit une chaque matin, qui sert de base à ses méditations de la journée.
Je n'ai pas de maxime, mais tôt demain matin je trouverai par hasard