J'ai fait une expérience de pèlerinage
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| Les Guides de voyages font un métier à part : ils doivent avoir fait, vu et appris beaucoup de choses, aimer les partager et apprécier le contact avec les gens, à commencer par les touristes qu'ils emmènent.
Jinglehorse (c'est son pseudo) est l'un d'entre eux. Etranger en France, où il réside, il évolue dans un monde qui se situe quelque part entre le Massachusetts, l'Europe, le Brésil et le Texas, plus quelques autres pays. |
Voici ce que, textuellement, Jinglehorse nous raconte :
"J’ai fait une expérience de pèlerinage. Je parle des pèlerinages depuis des années dans mes commentaires sur les églises gothiques : comment le plan du bâtiment permet aux fidèles de faire un bout de chemin vers Jérusalem chaque fois qu’ils vont depuis la porte jusqu’à l’autel, et si cela ne suffit pas, il y a souvent un Labyrinthe...
J’emmenais un groupe la semaine dernière à Chartres, j’ai parlé ainsi. Puis, chance, c’était vendredi et le grand Labyrinthe était découvert et double-chance, je m’en étais pour une fois informé au préalable, donc j’ai prévenu le groupe que c’était une chance. Mais moi je pensais que les touristes allaient simplement voir le Labyrinthe ; je n’avais aucune idée que bien des touristes ainsi que des fidèles allaient solennellement faire le chemin !
Donc j’observais un moment, une file tranquille de gens très divers suivait le tracé sur le sol. Je considère que le Guide ne participe qu’exceptionnellement aux activités qu’il propose aux touristes, car il doit laisser la place, doit déjà tout connaître... Mais c’était évident que ce moment, justement, c’était exceptionnel; depuis le temps que je raconte les pèlerinages aux touristes, que je n’en avais jamais vraiment expérimenté, puis c’est quand que je retourne à Chartres un vendredi... ?
Labyrinthe à Chartres : un pèlerinage dans le pèlerinage
Et donc j’ai fait le chemin du Labyrinthe de Chartres moi aussi. Cela n’a sûrement rien à voir avec un “vrai” pèlerinage à travers un pays... mais si, quand même, j’imagine.
- J’ai vu que certains avaient enlevé leurs chaussures. Moi je ne suis pas croyant, mais je me suis dit que ce serait chouette de me promener pieds nus dans la cathédrale, et que cela me donnait l’occasion. J’ai donc adopté tout de suite un comportement qui n’aurait pas été normal dans un autre contexte ; je pense que tout pèlerinage propose cette possibilité.
- J’ai dû me conformer à la vitesse de marche des autres, des inconnus. Je faisais très clairement une activité collective, bien que je ne connaissais personne et sans doute ne partageais que peu des valeurs ou quoi que ce soit avec les autres. J’étais obligé à constater leurs pas, leurs démarches, leurs fois ou espoirs ; je ne pouvais ni m’exprimer sur les autres comportements, ni passer à côté et “suivre mon chemin” car le chemin était partagé.
- J’ai très vite perdu toute idée d’où j’étais sur la route. Je pensais concevoir le trajet avant de commencer, mais en fait pas du tout. Je ne pouvais pas ressortir du plan pour re-mesurer, pour refaire une estimation du temps nécessaire ; surtout, je ne pouvais pas faire ce que je fais dans beaucoup d’autre circonstances : le compte à rebours. “Il me reste 80%, je suis à la moitié, il me reste 25%...” Je devais juste me laisser aller, continuer avec la foi que j’allais en ressortir, comme tout le monde, au bout du chemin.
- L’acte de marcher, presque gênant au départ où on se sent sur scène, une marche théâtrale, sort en moins de 2 minutes complètement de ma tête ; je n’étais pas plus conscient du fait que je marchais que je ne le suis d’être assis quand je mange, par exemple. Seulement, en marchant, j’utilise suffisamment de mon corps pour ne pas chercher autre chose à faire. J’ai donc trouvé même lors de cette expérience miniature un vide tout particulier dans la tête, que finalement je trouverais aussi bien au lit si je ne dormais pas, ou sur mon sofa si je n’avais pas d’ordinateur ni de livre...
Voilà. Je me plais à imaginer que ces sentiments sont propres à n’importe quel pèlerinage, avec pleins d’autres
sans doute."