Récit - Les chaussures ? Pas question !
Le nombre de fois que je les ai lacées... j'y suis bien trop attaché !
Lorsque j'ai annoncé aux deux amies venues m'accompagner la dernière semaine que je voulais brûler mes vêtements à Fisterra, elles marquèrent un temps d'arrêt. Et puis j'ai vu qu'elles en acceptaient l'idée.
Bien plus : elles m'aideraient à le faire.
Elles participeraient ainsi, à leur manière, à ce rituel. Un rituel que j'étais prêt à partager.
Il ne s'agit pas seulement de faire flamber Monsieur Carnaval quand les festivités sont finies. Le feu
a la réputation de purifier. C'est aussi un symbole de vie, d'ardeur. J'ai plutôt vécu ce petit bûcher comme
une extermination, une destruction complète. Réduire quelque chose en cendres, c'est s'assurer que rien, vraiment rien, n'en restera.
Nous avons attendu la nuit et l'après-dîner pour mettre
le plan à exécution. Un endroit sur le vieux port a été choisi. Bien au milieu de la petite plage. Un peu au vu et au su
de qui passerait par là. Bah ! le quartier est calme,
et ils doivent bien être habitués, depuis les siècles,
les millénaires, que cela se fait !
Nuit noire. Seuls quelques réverbères diffusent un halo
de lumière. Le vieux t-shirt gris usé, le pantalon déformé
par toutes ces enjambées, posés sur du papier
et un peu de varech résistent un temps. Le feu a du mal
à prendre et moi j'ai du mal à persister. Sentiment mitigé...au-delà de ces oripeaux, j'ai l'impression d'immoler quelque chose d'autre. Autour des flammes et autour
de nous on aperçoit les insectes rampants sortis du sable
qui grouillent sur nos pieds nus. Finalement tout
se consume dans une fumée noirâtre.
Cette nuit-là j'ai fait le songe que je ne pouvais pas être tranquille, quelqu'un était toujours là, devant moi,
à me surveiller. Pas tout à fait un cauchemar, vraiment
pas un doux rêve.
Le lendemain, j'ai regardé attentivement le lieu du sacrifice : Est-ce la marée ? Est-ce le vent de la nuit
qui a tout emporté ?
Je n'ai retrouvé aucune trace.
Il paraît qu'il faut attendre 6 mois pour savoir
à quoi ressemble l'homme nouveau.