Récit Terradillas de los Templarios – Sahagùn
Texte sonorisé 14 km
Ailleurs, à Sahagùn Ph. J F F
Vers l'est, les villages sont nimbés de la lumière du soleil levé. Image pieuse.
Alors cette sainteté comment la voir ? comment s'en approcher ? Un pratiquant est-il plus proche de la sainteté, un pratiquant comme Romano, par exemple ? A propos, je ne l'ai pas revu. Vite l'esprit remet la vérité en place : un saint n'est pas forcément un pratiquant.
Un peu partout des pèlerins en chemin, devant, derrière. Et sur le côté, ceux qui préfèrent longer la nationale.
Pas la peine de la jouer modeste, quand depuis plusieurs semaines on parcourt vingt-cinq à quarante kilomètres chaque jour, quatorze, c'est une promenade. La marche est courte ce matin, le troisième tronçon s'achève. Il s'agit de prendre à Sahagùn le train de retour après 557 km cette année.
Justement on y arrive, à Sahagùn, la ville où triomphe l'art mudéjar. Le village s'est agrandi autour d'un monastère puissant et Francs, Juifs et Maures se côtoyaient dans leurs affaires... San Facundo s'est déformé en Sahagùn, un nom plein de mystère et enchanteur. A l'inverse du mozarabe, le mudéjar est ce style des musulmans sous domination chrétienne. Eglises et palais de brique, arcatures aveugles...
Billet et horaires de train en poche, j'entre à l'église San Lorenzo, j'ai tout mon temps jusqu'au début de l'après-midi. Beaucoup de monde à l'intérieur, attendant le début de la messe. Les murs sont enduits et peints en blanc et jaune. Entre les piliers, des retables dorés, des statues. Justement on dirait un St Jacques là-bas sur la droite. En s'approchant, on reconnaît plutôt St Roch, en tenue de pèlerin qui n'est jamais arrivé, bubon de peste à la cuisse, chien au pied.
Retour au fond de l'église. A ce moment-là, dans l'assistance, quelqu'un me fait un grand signe. C'est Romano !
Il vient me rejoindre près des portes :
- La messe va commencer, il y a une place de mon côté !Tu pourras t'asseoir !
- Pas le temps, menté-je, je dois partir. Je rentre aujourd'hui. Mais donne-moi ton adresse, je t'enverrai ta photo sous la pluie.
Un quart de seconde, déception sur son visage. Puis, l'adresse marquée dans le carnet de notes, de ses deux mains il prend chaleureusement la mienne :
- Bon retour !!
Il ira jusqu'au bout du chemin, d'un trait. Mon souhait a de la difficulté à sortir de ma gorge :
- Bon chemin, Romano !
L'église bourdonne, elle est pleine à craquer, maintenant. A peine sorti, je regrette mon refus de prier avec tous ces gens.
Cesser de dire non à tout instant... Qu'importe, si tu n'es pas d'accord sur tout ! Prier, si possible, c'est prier ensemble, surtout un dimanche de Pentecôte,
le jour des langues étrangères...